Je suis fils de cet héritage déformé, baignant dans le sang écartelé de la République. J’ai l’honneur et l’orgueil d'avoir réussi à vaincre ma vie sans l'aide de mon père biologique et de sa famille ! Mon livre n'est pas la description d'une recette magique, bien au contraire. Ce n'est pas une somme de justificatifs pour se trouver des excuses et de bonnes raisons à la passivité. Je ne cherche ni à m’enrichir ni à devenir célèbre. Mon livre est juste la preuve que je ne suis pas aliéné par la corde qui serre mon cou ! que je suis libre de mes vrais oppresseurs : ma famille biologique brésilienne ...
Mes mères ne se substituent pas l’une à l’autre, mais, au contraire, elles s’additionnent.
Axé, que Dieu vous bénisse, famille de Saint ...
Danielle Marie Gaby Russo, Classe de maternelle, 1954, Téniet El Haad, Algérie
J’ai terminé de lire le livre de Magyd Cherfi, « Ma part de Gaulois » aux Editions Babel.
C’est lui qui était le chanteur culte du groupe « zebda» qui a fait son succès dans les années quatre-vingt en France. Cela m’a permis de me projeter dans mon propre travail et mon livre. Dans la mesure où Magyd fait partie de ma propre génération (à peine un peu plus âgé que moi) c’est-à-dire la première grand vague de la génération "beur" qui accède au Bac et au rêve méritocratique de l'ascension sociale par l'école, grâce l'intégration par la langue Française. J'ai conscience que ce grand travail ethnographique correspond à toute une génération déçue de la Gauche qui a accédé au pouvoir et qui n'a pas su incarner une véritable politique socialiste en renforçant les compromis avec le patronat par la nationalisation des grandes entreprises d'utilité publique.
Et, en me projetant dans ce travail, je vois la portée qu’a pu avoir Magyd avec son groupe, dans les années 80, pour dépasser le succès médiatique.
Pour moi, ce qui fut dommage, c’est que mon intégration au sein de la France, je l’ai effectuée, seul !
C'est pourquoi, sans doute, je suis rentré dans un véritable processus d’acculturation qui m’a conduit jusqu'à l’internement psychiatrique. Il aurait fallu que je trouve autour de moi quelques Brésiliens pour, comme on le dit si bien en portugais : « Matar a saudade do pais »(en français, on dirait « avoir le mal du Pays » !) et c’est facile à dire avec autant de recul, la migration latino-américaine était quasiment inexistante dans mon quartier de Toulouse, à cette époque-là. Et puis ma mère est française, ma sœur ne parlait pas encore le portugais quand elle est partie du Brésil…Pourtant, parler de la migration maghrébine et du phénomène des ghettos dans la banlieue était un vrai sujet d’actualité à l’échelle nationale. J’avais donc quant à moi peu de modèle brésilien pour m’identifier en France, si ce n’est la vague des « tropicalistes » qui avait fui la dictature militaire dans les années 70-80 et qui avaient comme Gilberto Gil, le statut de réfugié politique en France.
Ce que les gens ont du mal à comprendre, et c’est ce qui me sauve dans mon processus d’acculturation avec mes racines brésiliennes, c’est, justement, mon affiliation maternelle de « pied-noir » avec ma double nationalité. Si mon côté Brésilien, n’a pu réussir à s'intégrer en France, c’est que je suis issue d’une culture française déracinée. Donc c'est cette instinct de "sobrevivência" de ma culture pieds noirs qui me sert le plus pour affronter mon quotidien à Salvador. Et c'est faux de dire que les « pieds-noirs » n’aiment pas les arabes. C’est totalement faux, et c’est la lecture que les français ont fait de cette histoire. Le racisme pied-noir est né avec ceux de ma génération, c’est-à-dire avec ceux qui n’ont pas connu l’Algérie, « Ceux qui n’ont pas connu « Là- Bas » comme disent les Pieds-Noirs eux-mêmes » ; Mais pour ce qui concerne mes grands-parents, je peux vous dire qu’ils l’aimaient leur pays ! Ils ont vécu toute la fin de leur vie, sur l’éternelle nostalgie de leur pays, le pays sur le sol duquel ils étaient nés comme leur parents.
Et enfin il existe une dernière catégorie de pieds-noirs, dont ma mère fait l’infime partie. Il s’agit de ceux qui ont fait leur voyage de retour jusqu'à leur propre village natal avec tout ce que cela suppose du point de vue affectif et émotionnel, mais, en même temps, ce retour lui a aidé à tourner « définitivement » une page de son histoire !Elle lui a permit aussi d’ affronter au présent sa propre auto-responsabilité générationnelle à 67 ans en 2013 malgré le danger que représente un tel voyage pour une pied noir.
Cette lecture me conforte dans l'idée que je dois publier mon livre au Brésil, il a toute sa valeur scientifique en tant que représentation symbolique et témoignage de quelqu’un qui pénètre un monde en venant d’un autre parce que, ici, mon livre a un véritable public qui porte un intérêt sur le sujet. Et quand on y voit de plus près, on s’aperçoit que je n’étais, en définitive, pas si extérieur que cela à celui-ci et que mon Orixás a su guider mon retour.
Enfin ce livre est pour moi préparatoire à une autre lecture plus académique cette fois. On m’a reproché dans ma soutenance de ne pas avoir intégré à ma bibliographie le livre de Frantz Fanon « Peau noire, masques blancs ». Quand vous lirez mon livre vous comprendrez facilement que ce travail m’a permis de faire corps avec mes objectifs, ici à Salvador, et que, en plein dans un processus de reconstruction intérieure, je ne me sentais pas prêt à mettre à bas la seconde identité de ma composante culturelle, la culture pied-noir.
Aujourd’hui avec du recul sur l’aboutissement de mon travail, avec la création de mon Blog et de l’Association Française loi 1901 « Horta Fatumbi Comunidade » je le ferai.
Si l'Algérie a obtenu son indépendance c'est tant mieux, cela va dans l'ordre des choses, et dans le sens de l’histoire et du processus historique de la « décolonisation » des territoires autochtones. La situation de ségrégation entre européens et musulmans était tellement grande que cela ne pouvait que se terminer ainsi.
Mais maintenant, catégoriser les pieds-noirs de racistes, c'est vraiment un trop grand raccourci de l'histoire fait par des jeunes qui sont déconnectés de la réalité historique et qui n'ont pas eu la chance de vivre avec des anciens de ce pays.
Mes grands-parents avaient plus de la cinquantaine quand ils sont arrivés en France. Ils ont recommencé une nouvelle vie en 1962, en France, en abandonnant définitivement leurs racines laissées en Algérie.
Le véritable responsable de ce conflit c'est la France dans le contexte européen d'après-guerre. Les Français métropolitains qui n'ont pas eu leurs enfants mobilisés dans cette guerre jugent mal les pieds-noirs tout autant que les musulmans.
Tous les pieds-noirs n'étaient pas de grands propriétaires terriens avec des exploitations agricoles liés à l'exportation comme notamment la culture du sorgo. Il y avait aussi beaucoup d'européens qui vivaient en autosuffisance ou en fermage sur des exploitations familiales en contact direct avec des musulmans dans leur travail quotidien à la ferme.
Ma mère est allée à l'école dans des classes de filles où il y avait, en petites section, aussi bien des petites filles musulmanes que des non-musulmanes.(et les non-musulmanes étaient minoritaires). Mon grand-père parlait l'arabe (et mes arrière-grands-parents le parlaient aussi) et je regrette aujourd'hui qu'il n'ait jamais voulu nous l'enseigner.
J'ai toujours entendu mes grands-parents parler avec respect de la culture Islamique. Je dirais même qu'ils en avaient une certaine admiration.
En France, les « Pieds-Noirs » n'avait pas d'autres choix que de "haïr les arabes" dans la mesure où ils devenaient leur concurrents directs pour l'intégration en France puisque les français faisait l'amalgame entre pieds-noirs et musulmans en assimilant sous la même bannière les pieds noirs, les harkis et les maghrébins comme migrants sur le sol de France alors que la plupart des pieds noirs étaient français au même titre que les harkis de confession musulmane et qui ont gagné la nationalité française en servant la France en tant que militaires.
Bref, c'est la manière la plus perverse que les français de souche avaient choisi d'utiliser pour traiter leurs compatriotes français rapatriés en les mettant sur le même plan que ceux qu'ils avaient combattus.
Ma famille maternelle a participé à toutes les atrocités d'une guerre, c'est-à-dire celle qui marque la chair et la psychologie de tous ses protagonistes par l'horreur.
Je sais profondément qu'il n'y avait aucune forme de méchanceté dans leur acte. C'était simplement le résultat qui met en scène sans aucune forme de bien ni de mal, la lutte et l'opposition de deux camps pour la survie dans le cadre d'une guerre, la guerre d'Algérie.
Mon grand-père pied noir était maçon de profession et militaire dans le 125 régiment de Zouave de Constantine en Afrique du Nord. Il a été si à son « aise » lors de son voyage à Rio avec ma grand-mère, le frère de ma mère et une tante pour rendre visite à ma mère Danielle, que les Liquori’s ont commencé à se demander si ma famille maternelle n'était pas là pour prendre possession de leur place ! Mais nous Pieds noirs, nous sommes des gens fiers et très fiers ! Maintenant je sais que chez ma mère, il y a toutes sortes de souvenirs du Brésil parce que j’en suis sûr, plus de la moitié de la « saudade » du nord-est et de Bahia est chez elle à Toulouse.