Hiver, mon tendre amour...

La nuit de décembre - Alfred de Musset / Le Lac - Alphonse Lamartine / Lettre à Lamartine 

Neige "Au garage de ma mère"- hiver 2015
Séjour à Guarda (suisse) - Hiver 2014
Bruxelles, Bruges (scultures de glaces) - Hiver 2012
Paris Notre-Dame / Institut du monde Arabe - Hiver 2011
Eidimbourd - Hiver 2010

HiverA
-hiver1
hiver2
-hiver3
-HiverD
-hiver5
-hiver
-HiverE
-HiverB
hiver14

La nuit de décembre

Du temps que j’étais écolier,
Je restais un soir à veiller
Dans notre salle solitaire.
Devant ma table vint s’asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau:
À la lueur de mon flambeau,
Dans mon livre ouvert il vint lire.
Il pencha son front sur sa main,
Et resta jusqu’au lendemain,
Pensif, avec un doux sourire.

Comme j’allais avoir quinze ans
Je marchais un jour, à pas lents,
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d’un arbre vint s’asseoir
Un jeune homme vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin ;
Il tenait un luth d’une main,
De l’autre un bouquet d’églantine.
Il me fit un salut d’ami,
Et, se détournant à demi,
Me montra du doigt la colline.

À l’âge où l’on croit à l’amour,
J’étais seul dans ma chambre un jour,
Pleurant ma première misère.
Au coin de mon feu vint s’asseoir
Un étranger vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux ;
D’une main il montrait les cieux,
Et de l’autre il tenait un glaive.
De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu’un soupir,
Et s’évanouit comme un rêve.

À l’âge où l’on est libertin,
Pour boire un toast en un festin,
Un jour je soulevais mon verre.
En face de moi vint s’asseoir
Un convive vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau
Un haillon de pourpre en lambeau,
Sur sa tête un myrte stérile.
Son bras maigre cherchait le mien,
Et mon verre, en touchant le sien,
Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit ;
J’étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s’asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs ;
Comme les anges de douleurs,
Il était couronné d’épine ;
Son luth à terre était gisant,
Sa pourpre de couleur de sang,
Et son glaive dans sa poitrine.

Partout où j'ai voulu dormir,
Partout où j'ai voulu mourir,
Partout où j'ai touché la terre,
Sur ma route est venu s'asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?

LA VISION

- Ami, notre père est le tien.
Je ne suis ni l'ange gardien,
Ni le mauvais destin des hommes.
Ceux que j'aime, je ne sais pas
De quel côté s'en vont leurs pas
Sur ce peu de fange où nous sommes.

Je ne suis ni dieu ni démon,
Et tu m'as nommé par mon nom
Quand tu m'as appelé ton frère;
Où tu vas, j'y serai toujours,
Jusques au dernier de tes jours,
Où j'irai m'asseoir sur ta pierre.

Le ciel m'a confié ton cœur.
Quand tu seras dans la douleur,
Viens à moi sans inquiétude.
Je te suivrai sur le chemin;
Mais je ne puis toucher ta main,
Ami, je suis la Solitude

hiver51
hiver30
-hiver50
-hiver49
-hiver48
-hiver47
-hiver46
-hiver45
-hiver44
-hiver43

Le Lac

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur, 
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

Lettre à Lamartine

Poète, je t´écris pour te dire que je t´aime,
Qu´un rayon du soleil est tombé jusqu´à moi
Et qu´en un jour de deuil et de douleur suprême,
Les pleurs que je versais m´ont fait penser à toi.
Qui de nous, Lamartine, et de notre jeunesse,
Ne sait par coeur ce chant, des amants adoré,
Qu´un soir, au bord d´un lac, tu nous as soupiré ?
Qui n´a lu mille fois, qui ne relit sans cesse
Ces vers mystérieux où parle ta maîtresse,
Ei qui n´a sangloté sur ces divins sanglots,
Profonds comme le ciel et purs comme les sanglots ?
Hélas ! ces longs regrets des amours mensongères,
Ces ruines du temps qu´on trouve à chaque pas,
Ces sillons infinis de lueurs éphémères, 
Qui peut se dire un homme, et ne les connait pas ?
Quiconque aima jamais porte une cicatrice :
Chacun l´a dans le sein, toujours prête à s´ouvrir :
Chacun a garde en soi, cher et secret supplice,
Et mieux il est frappé, moins il en veut guérir.
Te le dirai-je, à toi, chantre de la souffrance,
Que ton glorieux mal, je l´ai souffert aussi ?
Qu´un instant, comme toi, devant ce ciel immense,
J´ai serré dans mes bras la vie et l´espérance,
Et qu´ainsi que le tien, mon rêve s´est enfui ?
Te dirai-je qu´un soir, dans la brise embaumée,
Endormi comme toi, dans la paix du bonheur,
Aux célestes accents d´une voix bien-aimée,
J´ai cru sentir le temps s´arrêter dans mon coeur ?
Te dirai-je qu´un soir, resté seul sur la terre,
Dévoré, comme toi, d´un affreux souvenir,
Je me suis étonné de ma propre misère,
Et de ce qu´un enfant peut souffrir sans mourir ?
Ah ! ce que j´ai senti dans cet instant terrible ?
Oserai-je m´en plaindre et de le raconter ?
Comment exprimerai-je une peine indicible ?
Après toi, devant toi, puis-je encor le tenter ?...
O toi qui sais aimer, réponds, aimant d´Elvire,
Comprends-tu que l´on parle et qu´on se dise adieu ?
Comprends-tu que ce mot, la main puisse l´écrire,
Et le coeur le signer, et les lèvres le dire,
Les lèvres, qu´un baiser vient d´unir devant Dieu ?

Rio Vermelho CP 2102 41950-970 Salvador – Bahia – Brasil +55 (71) 9993 42484 horta.fatumbi.fabi@gmail.com

Ce site utilise des cookies pour son fonctionnement et la mesure d'audience.