Symptômes invalidants
-Accès de panique en salle blanche :
- Sensation de mort subite, imminente, sensation que l’on complote derrière mon dos, que l’on parle de moi. Sensation que tout le monde me regarde.
- - Avoir l’impression que le temps s’est immobilisé (je regarde l’horloge «30 fois en cinq minutes »).
- - Sensation de confinement (du mal à respirer, être en apnée).
- - Se sentir agressé par le bruit, nervosité, volonté de m’enfermer dans ma bulle, ne plus entendre les autres.
- - Se sentir agressé par la lumière.
- - Nécessité de beaucoup marcher (pour évacuer la pression).
- - Je m’efforce de ne pas m’isoler pendant les pauses. (Et pourtant j’angoisse de me retrouver avec mes collègues de travail car de quoi vais-je devoir leur parler ?).
- - Surconsommation tabagique pendant les pauses (encore une dernière avant de reprendre le travail).
- - Besoin de grande concentration pour ne pas que mon esprit « s’échappe » (épuisement psychique pour fixer mon attention).
- - Je n’arrive pas à faire deux choses à la fois.
- - Sensation d’infériorité vis-à-vis de mes collègues de travail (ne pas être à la hauteur, mauvaise opinion de soi).
- - Sensation de ne pas réussir à arriver à la fin du temps de travail (angoisse de risquer de decompenser).
- - Boule à l’estomac, intestin en nœud (diarrhées fréquentes).
- - Difficulté à me retenir quand j’ai envie d’uriner.
- - Humeur cyclothymique (besoin d’isolement la semaine, tendance à l’associabilité).
Juste après mon travail, en rentrant chez moi
- - Parfois de forts tremblements nerveux.
- - Sensation d’être accéléré et agité (du mal à me poser pendant un bon moment).
- - Sommeil par fraction de 4-5 heures, sommeil très hypnotique, sensation de ne pas avoir bien dormi, membres ankylosés au réveil, mais sommeil lourd et profond (je n’entends rien), grande sensation de fatigue la semaine (énormément de mal à me lever le matin).
- - Tendance à l’hypersomnie par fraction de 4 à 5 heures.
- - Grand essoufflement et apnée du sommeil. Respiration forte et du mal à̀ respirer.
Août 2006, Joseph,
Vous avez juste devant vous un homme déterminé à partir, si vous ne m’accordez pas le droit, le droit justifié de quelqu’un qui ne peut plus assumer son poste. J’ai au moins ma dignité d’homme (et ça vous ne me l’enlèverez pas).
Votre système ne me convient plus…cette énorme machine à broyer...je ne la supporte plus !
Combien coûte à l’entreprise la mise en place d’une journée comme celle de ce lundi de juillet 2006, Mr P ? Vous allez chercher trop loin avec tout votre attirail technologique alors que le problème est si simple. Mais je n’ai rien à cacher !
Le but d’une négociation, c’est que les deux parties sortent gagnantes.
Je ne demande pas grand-chose, juste le droit de garder ma dignité d’homme...
J’ai été souillé et dégradé ! Mais c’est «juste» parce que mon corps n’accepte plus toutes ces contraintes ; mon corps et mon intégrité exigent que je me sente en harmonie avec moi- même.
Il y a tellement d’hommes et de femmes dans cette entreprise qui sont aigris par ce qu’ils font (mais s’ils arrivent à le supporter c’est tant mieux pour eux).
J’ai juste l‘honnêteté de venir vous dire en face que moi, je suis à bout…
Je ressens l’envie de construire autre chose et autrement. Je suis à la recherche de quelque chose qui m‘équilibre, qui me porte positivement et me sécurise car ce n’est plus possible de rester dans un environnement en complète desharmonie avec soi.
La différence entre vous et moi, Mr P, c’est que je n’ai pas appris à analyser le « Droit » dans le cadre des pratiques de management. Mais pour moi, tout simplement et en faisant preuve de bon sens, le Droit est un outil de justice sociale et de paix.
Un homme libre
Qu’est-ce qu’une salle Blanche :
- Ce sont des gants, des sur-bottes ou des chaussures spéciales.
- Une combinaison individuelle et nominative.
- Une cagoule (qui ne laisse voir que les yeux).
- Une température et une luminosité constante, été comme hiver (des néons dont la couleur peut varier selon les labos* (du jaune au blanc flash).
- Un flux laminaire qui sert à purifier l’air mais qui génère un bruit constant et sourd, qui fait que la voix semble étouffée comme dans le brouillard en montagne.
- Des mouvements et des gestes répétitifs, très routiniers développes des milliers de fois par jour, ce qui demande une extrême concentration et attention de tous les instants.
- Cependant, l’aspect très routinier du travail nous incite à développer des mécanismes d’automatismes et pour pouvoir laisser « échapper notre esprit » au système très oppressant du travail, il est nécessaire de discuter, d’échanger avec ses collègues de travail afin de ne pas se sentir enfermé dans cette bulle créée par cet univers ultra-artificiel, oppressant, virtuel, mécanique et électronique, contre nature.
- Il est difficile de concevoir un environnement de travail qui soit si impersonnel et contre nature que celui-là, et qui exige autant d’abnégation de l’individu que celui de la salle blanche.
- Dans notre univers de haute technologie, les techniques de fabrication changent souvent avec à chaque fois de nouveaux équipements, et nous les opérateurs, nous avons sans cesse dû nous adapter en nous formant à de nouvelles procédures. Moi, cela fait environ dix ans que je travaille pratiquement au même poste. Autrement dit, pendant dix ans j’ai dédié toute mon attention à une même et seule machine, LE STEPPER*, en me formant sur les fonctions de base de cette machine et ses tests préventifs de premier et deuxième niveau. Mon poste d’opérateur niveau 2 est évalué à un coefficient 225 sur mon échelle de progression qui n’en compte qu’un dernier, le 240, coefficient qui attire toutes les convoitises, car il n’y a qu’un seul opérateur par laboratoire qui ait son poste de travail évalué à ce coefficient, dernière marche infranchissable pour nourrir l’espoir de devenir technicien ! Du STEPPER ̧ trop tard pour en changer, le changement me fait peur. Il va falloir se réadapter à un nouveau poste de travail, une nouvelle routine et surtout de nouveaux collègues de travail ! tout ceci à l’antipode de l’univers routinier que je me suis construit. Vais-je pouvoir le supporter ? Mais en même temps mon travail mécanique sur STEPPER m’est insupportable ! je ne sais plus faire que cela...
- Les pauses sont à heures fixes pour une équipe de 12h00, elles sont de 30 minutes, 40 minutes et 25 minutes, strictement exactes. Nous avons une véritable horloge interne qui se crée à la minute près, pendant les 12h00 d’équipe. A chaque entrée et sortie dans l’usine une sorte de « chronomètre interne et secret » se déclenche pour chaque personne travaillant dans cet univers. Un chronomètre qui fonctionne même à notre insu et dont nous ne maitrisons plus les horloges.
- Le milieu est très normatif et règlementé (il existe des produits dangereux). Il y a des règles pour tout, et même parfois il y a des règles plus insidieuses, celles des « l’on dit ».
C’est à partir de ce texte que tout a commencé puisqu’il a été écrit pendant l’une de mes crises. C’est aussi à ce moment-là que l’on a enfin posé un diagnostic sur ma maladie. C’est aussi là que j’ai commencé à prendre un traitement de manière régulière. De même que c’est le début de ma psychothérapie, de mes voyages répètes et introspectifs sur mon Brésil, mon pays de naissance, que je découvre avec un autre regard. Et, enfin c’est ma rencontre avec le Candomblé et ses gens extraordinaires.